Témoignages des victimes

 

Mon expérience

L’Accident

Je suis un homme suisse de 54 ans marié depuis 35 ans et j’ai 2 filles de 22 et 18 ans en apprentissage et qui vivent à la maison.

A l’âge de 39 ans, en me rendant au travail en scooter le matin du 1er novembre 2000, une camionnette, en faisant une manœuvre interdite, me coupe la route et me fait chuter. Le conducteur de cette camionnette a pris la fuite et ce n’est que grâce à l’intervention d’un autre scootériste, témoin de l’accident et qui est intervenu pour arrêter la camionnette, que le chauffard a été intercepté.

Blessé, j’ai été conduit en ambulance aux urgences des HUG. Après les contrôles d’usage, j’ai quitté l’hôpital le jour même avec mon bras en écharpe et une ordonnance pour des médicaments. Ils m’ont donné un rendez-vous 45 jours plus tard pour voir un spécialiste de l’épaule.

Le jour même la Police me téléphone pour me dire que le chauffard a admis sa faute, a été condamné à payer deux amendes et qu’il n’y avait donc pas besoin de porter plainte ou de le dénoncer.

Le lendemain j’ai averti mon assurance juridique afin qu’elle s’occupe de toutes les tâches administratives.

Très rapidement l’assureur RC du fautif me contacte pour me rencontrer. Quelques jours plus tard, nous nous sommes rencontrés dans un café, il m’a alors rassuré et m’a dit que tous les effets abîmés dans l’accident seraient indemnisés.

Quelques semaines plus tard, cet assureur RC m’envoie un courrier avec une convention me proposant CHF 7’000.- en plus du dédommagement des effets abîmés en échange de mon renoncement à toute action future. Je contacte mon assurance juridique et, au vu de la complexité de mon cas, celle-ci m’a envoyé chez Me Mauro Poggia, un avocat spécialisé dans les problèmes d’assurances afin qu’il puisse me défendre.

Il s’agit d’une pratique usuelle chez les assureurs car ceux-ci visent à liquider à peu de frais des cas qui, selon leur expérience, s’avèrent bien plus graves avec le temps. De son côté, le lésé, ignorant quelle sorte de séquelles peuvent résulter de l’accident et à quel moment celles-ci se révéleront, tombe très facilement et souvent dans leur piège.

L’assureur RC du fautif est revenu à la charge à plusieurs reprises pour que j’accepte sa convention bien que l’assurance ne connaissait pas encore l’ampleur de mes blessures.

Après l’accident

J’ai rapidement compris que quelque chose n’allait pas avec mon épaule droite et j’ai pris rendez-vous avec mon médecin traitant qui m’a envoyé chez un spécialiste. Suite à cela j’ai été traité pour des déchirures musculaires à l’épaule, à la hanche droite et aux genoux pendant 6 mois.

A l’époque, j’étais employé au service comptabilité d’une banque privée, j’avais la responsabilité des frais généraux et de produire les clôtures comptables. Par conséquence, j’ai insisté auprès du médecin pour un retour rapide au travail.

Malgré ma ferme volonté de travailler, mes douleurs m’ont obligé à entrecouper mon travail à 50 % avec des périodes d’arrêt à 100% et ceci jusqu’au mois de mai 2001.

Après 6 mois, je demande un deuxième avis à un spécialiste qui constate qu’en plus des déchirures musculaires, il y avait 2 tendons déchirés. Sans hésiter, il me conseille une intervention chirurgicale de l’épaule dans les plus brefs délais.

Au final : l’opération n’a non seulement pas atteint le résultat attendu, mais ma situation générale a même empiré. Ce n’est que pendant un séjour à la Clinique de rééducation de Sion qu’on m’a confirmé que l’intervention chirurgicale n’aurait jamais dû être faite si tard avec une épaule gelée.

Entre-temps, mon état de santé ne s’est pas amélioré. Malgré mon insistance à reprendre le travail, mon médecin spécialiste dans le domaine, ne m’a plus autorisé à travailler.

Régulièrement l’assureur LAA prenait des renseignements sur moi auprès des médecins qui me suivaient.

Entre-temps mon employeur m’a licencié après 180 jours d’arrêt de travail à 100%. Le médecin conseil de l’assureur LAA a demandé que je fasse une expertise auprès d’un spécialiste désigné par eux. Tous mes problèmes liés à l’accident ont été confirmés par cet expert, qui a même conclu que la situation pouvait s’aggraver.

Par la suite, je n’ai jamais arrêté de prendre des médicaments lourds, tels que des opiacées entre autres, et en faisant en même temps de la physiothérapie régulièrement.

Puis, pendant 2 ans, je n’ai pas eu de nouvelles de la part de l’assureur LAA, bien qu’il continuait à se renseigner auprès des mes médecins. C’est après cette période et suite à mon licenciement qu’ont commencé les problèmes avec cet assureur.

Déjà à cette époque tout a été mis en œuvre par l’assureur LAA pour faire en sorte que mon cas se transforme en maladie. J’ai été convoqué pour une nouvelle expertise chez le même médecin expert et ce dernier a alors rendu un rapport totalement opposé au premier qu’il a avait rédigé, comme s’il parlait d’une autre personne que moi. Ce nouveau rapport insistait sur le fait que j’avais probablement déjà un problème préexistant et en insinuant que mon cas ne dépendait plus de l’accident.

Plutôt que de m’accompagner dans la recherche d’une solution à mes blessures, l’assureur LAA, qui au final fait recours contre l’assureur RC, essaye de se soustraire à ses obligations. Il a même « transformé » mon cas en maladie avec effet rétroactif de 2 ans dans le but de justifier son intention de ne plus me verser de rente. De cette manière, il pouvait justifier le fait d’avoir pris en charge 2 ans de plus que ce qu’il devait.

Sans tarder et suite à la décision de son médecin, l’assureur LAA s’est empressé de transmettre mon dossier médical à ma caisse maladie pour qu’elle prenne en charge tous les frais médicaux. De cette manière, je dois m’acquitter de la franchise et de la participation de 10%, sans compter que ces frais importants sont maintenant à la charge de la communauté des assurés des caisses maladie. Pour quelle raison les Caisses maladie acceptent-elles ces cadeaux empoisonnés sans une quelconque expertise médicale ? Cette pratique appliquée à d’innombrables cas par année doit avoir certainement une influence non négligeable sur les coûts et les augmentations de primes.

A mon tour j’ai dû trouver un spécialiste de l’épaule pour qu’il fasse une contre-expertise. J’ai constaté qu’il n’est pas facile de trouver un expert qui accepte de mettre en doute un confrère et encore moins de se positionner contre la puissance des assureurs. Une fois la contre-expertise effectuée confirmant mon invalidité à 100% imputable à l’accident, les juges genevois du Tribunal de la Chambre des assurances sociales ordonnent une troisième expertise afin de se déterminer. Cette troisième expertise a « coupé la poire en deux » en statuant que j’étais invalide seulement à 50% suite à mon accident bien que je ne puisse pas travailler à cause de mon épaule handicapée, des douleurs qui m’empêchent de dormir correctement, et des médicaments qui altèrent mes capacités mentales.

Il faut souligner que pendant 26 mois – le temps écoulé entre la décision de l’assureur LAA jusqu’à la décision du Tribunal – l’assureur LAA a arrêté le paiement des indemnités journalières et je suis resté sans ressources financières pendant tout ce temps avec une famille à charge. C’est seulement grâce à mes économies et à l’aide d’amis que j’ai pu surmonter ce moment terrible.

Le Tribunal a ordonné à l’assureur LAA de me verser une rente à 50% et l’AI a suivi cette décision à la même date avec effet rétroactif.

Depuis 2004, la Caisse maladie a continué de payer les frais médicaux (médecins, médicaments et physiothérapie) et jusqu’en 2015, j’ai perçu ma rente LAA et AI à 50% malgré le fait que je ne puisse pas travailler avec mes problèmes à l’épaule droite suite à l’accident.

En 2014, l’assureur RC du responsable de l’accident m’a fait suivre et surveiller par des détectives privés, puis a transmis leurs rapports à l’assureur LAA. Manifestement, n’arrivant pas à démontrer ce qui l’arrangeait, l’assureur a dû mandater plusieurs agences de détectives qui m’ont suivi à plusieurs reprises sur une période de presque une année selon les dires mêmes de l’assureur. Après une analyse minutieuse des photos et vidéos, il est frappant de constater à quel point les rapports rendus par les détectives sont complètement mensongers et en contradiction avec les diverses preuves (photos et vidéos) qu’ils allèguent, lesquelles prouvent justement que mon handicap est bien réel et présent.

Malgré ce fait, l’assureur LAA a fait valoir ces rapports sans apparemment tenir compte des preuves jointes et, en 2015, est revenu à la charge et a tout mis en œuvre afin de se soustraire à son obligation en remettant en cause mon invalidité à 50%, alors que mon handicap persiste et qu’il ne me permet toujours pas de travailler, pas même à 50%.

J’ai contacté sans tarder mon avocat, Me Christian van Gessel, ancien associé de Me Mauro Poggia, spécialisé et expert dans ce genre de litiges.

A ce stade, l’assureur LAA, ne jouant pas son rôle d’assurance sociale en me soutenant dans mon handicap, supprime immédiatement ma rente, sans même soumettre les rapports et vidéos des détectives privés à un expert médecin. Grâce à l’intervention de mon avocat, la rente est rétablie, mais on recommence avec la série d’expertises, qui ponctuellement et comme il était à prévoir, concluent à la disparition de mon handicap au point que le médecin expert de l’assureur LAA met en cause le rapport d’une scintigraphie ordonnée par lui-même, et effectuée dans le centre d’imagerie choisi également par lui. La mauvaise foi du soi-disant médecin expert de l’assureur LAA va jusqu’à sous-entendre que lors de la scintigraphie j’ai pris une position pouvant modifier le résultat en ma faveur. Or, comment voulez-vous, qu’en tant que profane, je sache quelle position adopter pour influencer la lecture de l’image de scintigraphie en ma faveur ? Et dans ce cas, pour quelle raison le radiologue n’aurait-il pas corrigé ma position ?

Sur conseil de mon avocat, sachant que « l’expert » de l’assurance rendrait un rapport en ma défaveur, j’ai fait effectuer une expertise privée auprès d’un Professeur de médecine de l’Université de Genève et chirurgien orthopédiste, qui me considère quant à lui en incapacité de travail totale !

Comme il fallait s’y attendre, « l’expert » désigné par l’assureur LAA estime que je n’ai aucune incapacité de travail, ceci sans même discuter des rapports et films des détectives privés. En effet, dans son rapport d’expertise « l’expert » n’a jamais fait référence aux rapports et vidéos des détectives privés alors que ceux-ci sont à l’origine de la révision de mon droit à la rente ; on dirait que l’assureur LAA a volontairement voulu s’écarter de ces rapports des détectives comme si ceux-ci n’avaient jamais eu lieu. Évidemment, l’assureur LAA a décidé de supprimer à nouveau la rente avec effet immédiat.

Toutefois, vu les divergences des deux expertises, l’affaire va certainement se poursuivre devant un Tribunal, et la procédure va durer encore longtemps selon mon avocat. Ceci a pour conséquence que je me retrouve à nouveau sans ressources financières, situation qui va durer plusieurs mois, voire plus d’une année, avant d’obtenir une décision de la Cour. Si je gagne mon procès, l’assureur LAA devra évidemment payer à nouveau la rente, avec effet rétroactif, mais comment faire pour vivre dans l’intervalle ?

Malgré l‘évidence de mon handicap, ce n’est que grâce à la bonne défense de mon avocat, que j’ai encore l’espoir d’une issue positive.

Comment vais-je faire face à cette situation économique catastrophique pendant encore de longs mois ?

Grâce à l’implication et au soutien de mon entourage, je suis prêt à m’investir pour faire changer les choses. Je serais très intéressé à récolter des témoignages de personnes ayant fait l’objet de décisions scandaleuses de la part de leur assureur qui a tout mis en œuvre pour se soustraire à ses obligations. Trop de personnes ne trouvent pas la force ou n’ont pas les moyens de dénoncer et de s’opposer à ces agissements que peu connaissent et dont chacun (ou tout le monde) peut être la victime.

R.C.